Régis Debray, écrivain et philosophe, a voyagé dans les années '60 et '70 à Cuba, en Bolivie (où il a été emprisonné) et au Chili. De 1981 à 1985, il est chargé de mission auprès du Président Mitterand pour les relations internationales puis, obtient d'autres charges institutionnelles. En 1999, il est professeur de philosophie à l’Université Jean Moulin de Lyon et en 2011, il est élu membre de l’Académie Goncourt.
Dans « Rêverie de gauche », sorti en France il y a une semaine, Régis Debray associe République et Peuple et prend position sur les enjeux électoraux pour l'élection présidentielle, en soutenant Jean-Luc Mélenchon.
Il a écrit plus de cinquante ouvrages, romans et essais. Dans « Eloge des frontières », paru il y a un peu plus d'un an, il écrit, en substance, qu'en France, tout ce qui pèse et qui compte se veut et se dit "sans frontières". Et si le "sans-frontiérisme" était un leurre, une fuite, une lâcheté ? En effet, dans le monde entier, contre toute attente, se creusent ou renaissent de nouvelles et d'antiques frontières, telle est la réalité qu'on ne dit pas tous les jours. Régis Debray choisit de célébrer ce que d'autres déplorent : la frontière comme vaccin contre l'épidémie des murs, remède à l'indifférence et sauvegarde du vivant. C'est l'idée-maîtresse de ce manifeste de moins de 100 pages, un manifeste à rebrousse-poil qui étonne et détonne mais qui, déchiffrant notre passé, ose faire face à l'avenir.
Dans ce texte, Regis Debray nous rappelle ce que la civilisation doit à l'existence de frontières et aujourd'hui la globalisation nous crie tous les jours qu'un monde "sans-frontières" est un monde d'une violence économique sans freins, de guerres d'ingérences, d'une sous-culture mondialisée écrasant la diversité, bannissant la profondeur. Ce pamphlet réhabilite la notion de frontière qui joue un rôle fondamental dans la perception de l'autre et donc de soi, il attaque la vision caricaturale d'un monde qui nie les différences mais accepte toutes les lâchetés. Régis Debray nous fait comprendre que la frontière définit, laisse passer mais protège, elle est une différence à partir de laquelle on peut se construire. La négation de la frontière au nom de l'économisme nous empêche donc de nous penser nous mêmes et donc de regarder les autres.
Un essai très agréable à lire mais qui risque de susciter quelques débats...