Gallimard, Collection Folio, 276 pages, 1972, 5,70 €
Sur nos grands écrans viennent de sortir, à quinze jours d'intervalle, deux versions cinématographiques de ce roman. Deux films qui sont loin de valoir le roman écrit en 1912 ou l'adaptation au cinéma d'Yves Robert réalisée en 1962.
Ce roman nous raconte que depuis des générations, les enfants de deux villages voisins, Longueverne et Velrans, se font la guerre. Une histoire de tradition et une guerre qui, bien qu'enfantine, n'en reste pas moins d'un grand sérieux : elle est certes moins sanglante que celle des adultes mais tout aussi dangereuse pour l'amour-propre des gamins qui, prisonniers, se retrouvent à la merci de leurs ennemis ! En effet, le butin de guerre des deux armées est constitué des boutons et lacets, attributs indispensables sans lesquels les malheureux tombés aux mains de l'ennemi se voient obligés de s'enfuir tout nus...
Louis Pergaud a réussi un roman magistral qui nous plonge dans la France rurale de la fin du XIXème siècle, avec la salle de classe réunissant tous les élèves et le maître, les conciliabules dans la cour, les leçons non apprises, ceux qui soufflent les réponses, les retenues, la vie à la ferme...
Pergaud en profite aussi pour parler de la IIIème République mais aussi du conflit entre l'Eglise et la République car "on était calotin à Velrans et rouge à Longeverne ». Les détails, souvent savoureux, sur la vie de ces pauvres gens abondent et pour ajouter à la crédibilité à cette peinture, les dialogues sont émaillés de termes issus du patois de Franche-Comté, sans compter les fautes grammaticales des gamins.
Un classique de la littérature pour enfants, du moins pour tous ceux qui ne craindront pas de s'écarter d'une certaine pudeur verbal car certaines expressions sont assez crues, l'auteur précisant :
"J'ai voulu faire un livre sain, qui fût à la fois gaulois, épique et rabelaisien ; un livre où coulât la sève, la vie, l'enthousiasme... Aussi n'ai-je point craint l'expression crue, à condition qu'elle fût savoureuse, ni le geste leste, pourvu qu'il fût épique."
