Florence Aubenas est une journaliste belge qui a fait la plus grande partie de sa carrière à « Libération », où elle a couvert des conflits très chauds dans toute planète, avant de devenir grand reporter au « Nouvel Observateur ». Elle a acquis une certaine célébrité lorsqu'elle a été prise comme otage pendant six mois en Irak.
Elle a ensuite couvert le procès d'Outreau où elle a été une des premières à émettre des doutes sur la culpabilité des accusés.
Elle est également présidente de l'Observatoire International des Prisons.
Une journaliste de cette trempe et aussi engagée ne pouvait s'arrêter là et, début 2009, alors que la crise financière fait ressentir ses effets, elle a pris un congé sabbatique et est partie à Caen pour vivre la crise au plus près : elle loue une chambre minable dans cette ville au passé industriel complément disparu, avec un taux de chômage élevé et une population paupérisée. Là, elle change de nom, se met à la recherche d'un travail et se promet d'arrêter l'expérience quand elle aura décroché un CDI. Cela prendra 6 mois et c'est dans sa chambre meublée de Caen qu'elle rédige ce texte qui tient en même temps du roman et du documentaire/reportage.
C'est ainsi que pour saisir au plus près la réalité sociale de la crise, Florence Aubenas s'est immergée dans le quotidien d'une travailleuse précaire et devient alors "agent de nettoyage". Tout nous est décrit : l'ANPE qui truque les chiffres à la demande de sa direction, les agences d’intérim, les boîtes de nettoyage, les heures qui sont grappillées par ci par là, de 5h à 7h ou de 18h30 à 20h30, une heure de route pour deux heures de travail payées au SMIC...
Ce livre nous permet de voir la misère humaine, le mépris affiché par les patrons ou, pire, par les petits chefs, les sociétés d'intérim dans toute leur horreur... On se croirait encore au temps de Zola.
Florence Aubenas parvient malgré tout à trouver un certain recul et si elle relate les faits, le quotidien vécu, avec la précision d'une journaliste, elle réussit néanmoins à insuffler une certaine sensibilité à son texte sans tomber dans le misérabilisme ou la condescendance.
Un document exceptionnel qui dévoile un visage de la crise dont les médias ne parlent jamais.
Le quai de Ouistreham par Florance Aubenas
Lieu:
Points Editeur, 238 pages, septembre 2011, 6,50€