La transition vers une économie bas carbone et l’innovation technologique qui en découlera devrait créer un million d’emplois dans l’Union européenne d’ici 2020. L'énergie solaire, l'énergie éolienne, la biomasse et le recyclage des déchets sont les domaines de l'économie verte qui enregistrent la croissance la plus rapide. Les transports et les procédés de fabrication (biotechnologies, chimie verte, nanomatériaux) utilisés dans l’industrie, l’agriculture ou la construction sont également des secteurs en mutation. Mais de quels emplois s’agit-il ?
Comme le souligne le slogan de la CSI (Confédération Syndicale Internationale) « il n’y a pas d’emploi sur une planète morte». Par conséquent, la protection de l’environnement n’est pas la cerise sur le gâteau mais une condition indispensable à la survie de l’économie dans un contexte où les grands équilibres naturels sont menacés.
Cependant, une transition socialement juste exige la création d’emplois décents, des formations aux nouvelles compétences vertes et des systèmes de protection sociale forts et efficaces. Et le respect de ces critères ne va pas forcément de soi. En effet, l’OSHA (Agence européenne pour la Santé et la Sécurité au travail) a rendu publique, fin 2014, une étude passant en revue l'évolution probable du travail dans les emplois verts d'ici 2025 et visant à déterminer les problèmes que ceux-ci risquent d'engendrer en termes de santé et sécurité au travail.
Trois scénarios
Le champ de l’étude a été volontairement limité aux emplois utilisant ou étant directement concernés par les nouvelles technologies, même si les différentes définitions de ce qu’est un emploi vert englobent des réalités beaucoup plus larges.
Elle se base sur trois scénarios liés à l’évolution du contexte socio-économiques et politique. Le scénario « le profit d’abord » anticipe que la croissance de la consommation et la recherche de profit l’emportera sur les exigences de préservation de l’environnement et de conditions de travail. Le scénario « vert intense » table sur la prédominance de la préoccupation écologique au sein de la société par rapport à la croissance économique avec d’autres conséquences pas forcément favorables sur la santé et la sécurité des travailleurs. Le scénario « gagnant-gagnant », enfin, est présenté comme le plus équilibré et prometteur sans pour cela être exempt de risques.
Quoiqu’il en soit, en fonction de la manière dont la transition économique se met en place à l’intérieur de ces trois scénarios, des risques différents mais réels pour la santé et la sécurité des travailleurs apparaissent dans 26 domaines technologiques.
Dans le scénario « le profit d’abord », une dualisation importante risque de s’accroître entre les travailleurs formés aux nouvelles compétences vertes qui bénéficieront de conditions de travail favorables et les autres qui seront contraints d’accepter les emplois les plus pénibles. Des pressions politiques et économiques également pourraient conduire à négliger les préoccupations de santé et de sécurité.
Au contraire, dans le scénario « vert intense », la décentralisation de la production et le développement des emplois indépendants rendraient difficile le respect des normes de santé et de sécurité. Dans le même temps, la tendance marquée faute de moyens financiers à la réparation d’équipements anciens plutôt qu’à l’acquisition d’équipements performants renforcerait les risques au niveau de la maintenance, de même que la subsistance de nombreux emplois manuels notamment dans le secteur des déchets.
Dans le scénario « gagnant-gagnant » intitulé également « Pour une croissance écologique », la rapidité du déploiement des nouvelles technologies innovantes et les besoins croissants de main d’œuvre disposant de compétences vertes pourraient amener à négliger la prise en compte des risques en matière de santé et de sécurité.
Nouveaux risques
Philippe Vigneron, conseiller à la Centrale générale confirme la réalité des risques encourus par les travailleurs, par exemple, dans le secteur des déchets en Wallonie.
Pour parvenir à une économie « zéro déchets », les travailleurs situés à la fin de la chaîne de production sont exposés à une très vaste gamme de matériaux, y compris des nouveaux matériaux pour lesquels on n’a pas suffisamment de recul pour en analyser les dangers et dont la traçabilité est insuffisante.
On observe d’ores et déjà sur le terrain des taux d’occurrence anormales de certaines pathologies graves chez les travailleurs de certains sites d’exploitation sans que des mesures adéquates soient prises au niveau de la prévention ou de la reconnaissance de ces pathologies comme maladies professionnelles.
Le recours aux matériaux recyclés, notamment dans la construction, expose également les travailleurs à des risques nouveaux.
Pour citer un autre exemple, les batteries qui permettent le stockage de l’électricité dans les voitures électriques présentent des risques d’incendie et d’explosion lors de leur manipulation, d’exposition à des substances chimiques ou encore d’électrocution.
D’une manière générale, l’étude de l’OSHA identifie de nombreux défis au niveau des risques de santé et de sécurité dans les emplois verts qui sont liés à la décentralisation des processus et des lieux de travail, à l’utilisation de nouveaux matériaux y compris écologiques dont on ne connaît pas les risques, aux conflits potentiels entre les objectifs de protection de l’environnement et de santé et de sécurité des travailleurs, aux exigences de rentabilisation rapide des investissements, à l’automatisation, à la dépendance croissante vis-à-vis de l’électricité, à la polarisation de la main d’œuvre, au développement des activités de maintenance, à l’économie zéro-déchets.
Pour des CPPT de zoning
Or, pour rendre les emplois verts réellement durables, nous devons faire en sorte qu'ils bénéficient non seulement à l'environnement, mais aussi à la santé et à la sécurité des travailleurs.
Pour y faire face, il est important que ces risques soient reconnus et fassent l’objet d’un débat public. Il faut aussi que la concertation sociale s’adapte aux évolutions du tissu économique liées au développement de l’économe circulaire et notamment à l’interdépendance croissante entre les entreprises et au développement des activités de services autour du produit.
C’est l’occasion de remettre à l’ordre du jour la revendication en faveur de la création de CPPT au niveau de zoning et d’encourager les représentants des travailleurs à travailleurs en réseau, y compris de manière informelle que ce soit au sein d’une même filière ou d’une zone d’activité.
Pour aller plus loin : https://osha.europa.eu/fr/emerging-risks/green-jobs