Date de publication: 
23/04/2015
Auteur: 
Angelo Basile
Nombre de signes: 
73903

Depuis 2008, la zone euro est entrée dans une phase de crise aiguë et profonde. Après l’enthousiasme et les belles promesses des premiers jours, l’heure de la désillusion et du désenchantement semble avoir sonné. Explosion des niveaux de chômage, restructurations d’entreprises en masse, précarisation des classes sociales les plus fragiles, exclusion des jeunes, démantèlement par pans entiers des mécanismes de solidarité conquis de haute lutte au profit d’une redistribution des richesses à l’envers, austérité généralisée : tous les indicateurs sont désormais passés au rouge. Sur la route de l’union monétaire, la liste des revers et des déconvenues est longue mais le plus inquiétant est sans doute encore l’étrange sentiment d’impuissance qui s’en dégage. Plus l’Europe « avance », plus elle paraît irrémédiablement s’enliser dans le bourbier des impasses en tout genre, prisonnière des situations autant incontrôlables qu’incontrôlées, avec toujours ce lancinant constat qu’il n’y a dans tout cela rien de bien surprenant. Rien qui ne pouvait non plus être anticipé, dès lors que l’on accepte de se dégager un tant soit peu du catéchisme libéral. Le ver était en somme dans le fruit et il ne s’est produit rien d’autre, que ce qui devait tôt ou tard arriver.

Existe-t-il une porte de sortie qui permettrait à nos Etats de renouer avec la croissance ? L’Europe est-elle condamnée à vivre pendant de nombreuses années encore dans l’enfer de l’austérité comme l’a fait avant elle, et en suivant les mêmes chemins qu’elle, le Japon? Allons-nous assister sans pouvoir réagir à la lente et inéluctable mise à mort de nos législations sociales ? Quand s’arrêteront les politiques de dégradation de nos services publics ? Y a-t-il une vie après l’euro ? Toutes ces questions et bien d’autres ne pourront rester longtemps sans réponses même si on sent bien que celles-ci ne sont pas aisées à formuler, pour deux raisons au moins.

La première tient au rapport de force idéologique. Si on excepte le poids des partis libéraux qui n’ont jamais été pris en défaut de cohérence avec eux-mêmes, on doit malheureusement constater qu’à ce jour il n’existe pas de partis de gauche dans nos gouvernements qui croient encore sincèrement aux possibilités d’une autre politique. C’est vrai pour tous les partis socialistes ou sociaux-démocrates, mais cela l’est aussi pour les partis écologistes qui jusqu’ici faisaient figure d’alternative à la social-démocratie. Hier en Allemagne, en Espagne, en Belgique ou en Grèce, aujourd’hui en France ou en Italie, ce sont bien des gouvernements à majorité ou à participation socialiste (parfois en coalition avec les écologistes) qui ont prôné (ou qui prônent) l’adaptation de leur législation sociale et de leurs finances publiques à la logique néolibérale. Parce qu’ils en acceptent les prémices, les concepts et tout le cadre théorique qui en découle, ils sont devenus eux aussi les gardiens de la « compétitivité » des entreprises et les promoteurs de l’austérité budgétaire.

La seconde raison relève de la matérialité des stratégies susceptibles d’être mises en œuvre. Quel que soit le bien fondé des options futures envisagées, celles-ci n’auront aucune chance d’aboutir si elles s’avèrent incapables de réunir ou de fédérer autour de leur ligne directrice l’ensemble (ou à tout le moins une majorité) des Etats et des acteurs concernés. Ainsi, ces deux conditions délimitent une aire de liberté et de capacité d’intervention politique dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle est plutôt restreinte.

Malgré ces contraintes, on aurait tord de considérer que nos gouvernements ne disposent plus de marges de manœuvre. Ces dernières années, de nombreux auteurs, parmi lesquels C. Lapavitsas, M.J. Rodrigues, F. Heisbourg, P. Artus ou encore J.P. Fitoussi, se sont penchés sur la question du futur de la zone euro. La synthèse de leurs réflexions et de leurs hypothèses de travail permettent de dégager six grands scénarios que départagent leur nature, leur faisabilité et leur degré de viabilité.

Naturellement, ceux-ci ne sont pas écrits à l’avance et ils ne constituent encore à ce stade que des tendances ou des orientations. Selon les événements économiques, politiques ou sociaux, en fonction des ruptures, des accidents ou des opportunités qui se présenteront, ils pourront se compléter, s’entrecouper ou même se succéder. Quels que soient cependant l’enchaînement ou les circonstances susceptibles de surgir demain, on peut s’attendre à ce que dans ses grandes lignes l’avenir de l’union monétaire européenne se décline autour de l’un voire de la combinaison de plusieurs de ces scénarios.