Date de publication: 
02/12/2022
Auteur: 
Bruno Poncelet
Nombre de signes: 
105386

Le monde contemporain semble être à la dérive. Tel un rafiot mal embarqué sur des flots tumultueux, il a perdu de vue les rivages rassurants nommés paix, cohésion sociale et prospérité liés à une époque où notre port d’attache commun - l’état-Providence - promettait un certain confort de vie à toutes et tous. En lieu et place : des masses anonymes de gens se sentent aujourd’hui abandonnés par un monde politique qui les regardent plonger dans la précarité sans sourciller. Par peur ou par dépit, par envie de vengeance ou pour essayer autre chose, les électeurs et les électrices sont de plus en plus nombreuses à conspuer les partis traditionnels pour leur préférer une alternative radicale : l’extrême-droite. Le dernier épisode en date de cette triste saga est l’arrivée au pouvoir, en Italie, du parti néofaciste Fratelli d'Italia (Frères d’Italie) emmené par Giorgia Meloni - une femme nostalgique du régime sanguinaire de Mussolini (1883-1945) qui régna d’une main de fer sur le pays durant plus de deux décennies (de 1922 à 1945).

Un peu partout en Europe, voilà donc les idéologies nationalistes de retour à peine un gros demi-siècle après avoir engendré une des plus grandes boucheries humaines du XXème siècle : la deuxième guerre mondiale et ses quelques 70 millions de morts ! Dans une amnésie collective qui fait peine à voir, le plébiscite en faveur de l’extrême-droite semble chercher une solution aux crises actuelles en optant pour des logiques discriminatoires. Qu’on soit jeune ou vieux, indépendante ou salarié, chômeur ou professionnellement active, l’étranger (quel qu’il soit) endosse bien malgré lui le statut de bouc-émissaire fédérant tant de frustrations et de ressentiments différents. Qu’importe le nombre de migrantes qui meurent en mer Méditerranée ou sont victimes d’exploitations sordides faute d’avoir une existence légale et reconnue du point de vue administratif, la peur de l’autre redevient pour beaucoup un leitmotiv légitime dans nos sociétés contemporaines.

Si l’on peut comprendre l’envie d’avoir un coupable à pointer du doigt au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans d’angoissantes impasses où l’argent manque tandis que le coût de la vie ne cesse d’augmenter, le moins qu’on puisse dire est que la cible majoritairement choisie (l’étrangère) est loin d’être responsable des maux dont on l’accuse. Pour peu qu’on prenne un peu de recul, la chose paraît même totalement insensée. Comme si une inversion des perspectives avait eu lieu. Soudainement, des gens pauvres et sans droits qui pèsent pour rien sur l’échiquier du monde sont comme affublés de la capacité étourdissante de peser négativement sur le bonheur des nations les plus riches. Par quel tour de passe-passe ou quel sortilège de magie noire ? Nul ne sait exactement, mais les rumeurs vont bon train et la peur des lendemains qui déchantent fait sans doute le reste. Toujours est-il que nous voilà à nouveaux coincés dans un embouteillage idéologique aux relents nauséabonds où discriminer l’autre (quel qu’il soit) semble être, pour beaucoup, le moyen idéal d’échapper à une réalité de plus en plus amère. À l’opposé de cette ambiance fétide, cette étude veut prendre le large, quitter l’Occident et respirer le grand air de l’altérité pour mieux comprendre les ressorts des relations qui lient nos riches nations aux peuples étrangers.