Date de publication: 
22/12/2023
Auteur: 
Bruno Poncelet
Nombre de signes: 
138750

Durant tout le XXe siècle, nous n’avons cessé de nous raconter des histoires sur nos différences supposées avec le monde animal. Selon les penseurs et les époques, nous avons ainsi tour à tour été les seuls à être aptes à réfléchir grâce à notre gros cerveau, les seuls à utiliser des outils grâce à nos mains habiles, les seuls à faire preuve d’empathie vis-à-vis de nos semblables, ou bien encore les seuls à être capables de ressentir des émotions comme l’amour, l’amitié, le sens de la famille, etc.

Toutes ces histoires à propos de nos différences supposées avec le monde animal ne sont pas universelles, mais bien culturelles. Leurs racines plongent loin dans l’histoire occidentale (on peut les faire remonter à la Grèce de l’Antiquité et au christianisme de l’époque médiévale), même si leur essor contemporain est surtout dû aux derniers siècles parcourus… C’est en effet principalement à partir du XVIe siècle et la colonisation de « l’Amérique » que les Européens se sont raconté une histoire où ils étaient les seuls à détenir la Vérité (il n’existe qu’un seul Dieu, et c’est celui du Nouveau testament), toutes les autres populations du monde étant perdues dans de fausses et perverses croyances sataniques qu’il fallait annihiler à tout prix. Ce qui justifiait évidemment l’entreprise coloniale…

Ensuite, quand on a cessé de croire en Dieu pour devenir laïcs au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, on a certes supprimé les mots Dieu et Diable du vocabulaire officiel, mais le fond de l’histoire n’a pas changé d’un iota : nous étions devenus le phare avancé, la civilisation utilisant la Raison pour se gouverner quand les peuples primitifs (et colonisés) du monde entier étaient perdus dans des Instincts bestiaux les rapprochant des animaux et de la nature. Les Occidentaux étaient à l’époque tellement convaincus de leur supériorité que certains scientifiques du XIXe siècle passaient leur temps à mesurer des crânes pour établir une hiérarchie biologique et physique entre les races. Sans surprise, l’Homme blanc arrivait en tête devant tous les autres. De même, il était évident pour les chercheurs de l’époque que les hommes étaient supérieurs aux femmes…

Bref, le racisme colonial et patriarcal imposait de penser un monde où le mâle était supérieur aux femelles, où la peau blanche était gage d’une intelligence supérieure, et où le fait de marcher sur deux pieds tout en possédant un gros cerveau nous rendait supérieur aux animaux. Une vision du monde qui survit hélas encore de nos jours, notamment lorsque des supporters de football lancent des cris de singe pour insulter un joueur à la peau noire… ou lorsque des gens se remettent à voter massivement pour l’extrême droite.