Le combat syndical est aussi féministe !

Date de publication: 
28/12/2018
Auteur: 
Rachel Carton
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82438

Déconstruire les stéréotypes de genre pour lutter contre les discriminations sexistes, homophobes et transphobes dans le monde du travail.

Dans de nombreuses parties du monde,  on assiste à diverses manifestations d’un retour en force du nationalisme, du racisme, et des violences de genre : construction de « murs anti-migrants », montée au pouvoir de l’extrême-droite en Italie et au Brésil, remise en question du droit à l'avortement, multiplication des féminicides, assassinats violents d’activistes LGBTQI+ etc.

Des mouvements réactionnaires, et de plus en plus ouvertement fascistes, gagnent du terrain à mesure que  les politiques d'austérité et de régression sociale s'abattent sur les populations.

La peur de vivre (encore) moins bien demain, la perte de confiance des classes populaires à l’égard des partis et mouvements de gauche « traditionnels » et un large sentiment d'impuissance face à l’avenir favorisent la diffusion des discours basés sur une « naturalisation » des rapports humains et des positions sociales.

Chacun, chacune, serait déterminé.e, dans son essence même, dans ses gênes, à occuper telle ou telle position sociale, à agir de telle ou telle manière, à être dominé.e ou dominant.e.

Et il serait vain, voire dangereux, d'aller contre cette « Nature ».

Ainsi, les femmes devraient retourner au foyer pour y accomplir leur devoirnaturel, la famille ne pourrait se concevoir qu’avec un père et une mère, l’homosexualité, les transidentités seraient des « anomalies »,  une déviance menaçant l’ordre social.

Avec l’affirmation forte d’un discours naturaliste, chacun.e se voit  ainsi déterminé.e. et jugé.e. dans son identité profonde, dans son intimité, dans son rôle et ses relations sociales par ses organes génitaux. Et ce sont des logiques similaires qui soutiennent le racisme et la xénophobie en construisant l'idée que les groupes humains ne sont pas égaux entre eux, par nature (ou par culture, celle-ci étant présentée comme immuable, éternelle, sans histoire, donc quasi naturalisée). Les appels au retour à la « Pureté du Peuple », à son époque glorieuse, à ses traditions « ancestrales », alimentent les fantasmes de populations qui ont fait de « l'Autre » le bouc émissaire de leur frustration et de leur sentiment d'impuissance.

Si ces mouvements veulent nous ramener en arrière, les luttes sociales, féministes, antiracistes, reprennent elles aussi des forces partout dans le monde :  le mouvement MeToo qui a permis de visibiliser et de briser le silence sur les violences sexuelles et leur impunité, les grèves massives du 8 mars (Journée Internationale des Femmes) suivies en Argentine ou en Espagne, l’organisation des populations « racisées* » pour dénoncer les violences policières et le racisme d’Etat aux Etats-Unis (mouvement Black Lives Matter notamment), les manifestations massives des femmes américaines contre Trump, les organisations de solidarité et de défense des migrant.e.s qui se développent en Europe etc. 

Ce nouvel essor ne vient pas seulement de la conscience du danger que représente la diffusion de ces idéologies réactionnaires mais aussi du chemin qu'il nous reste à parcourir pour vivre dans une société réellement égalitaire. Une société dans laquelle l'individu n'est pas réduit à son « employabilité », à sa couleur de peau, à ses organes génitaux, à son expression de genre, ou à sa sexualité. Parce que nous sommes tellement plus complexes, et plus riches que ces étiquettes qui nous collent à la peau et qui sont le prétexte de multiples violences sociales ! Ce combat est un enjeu, et un défi, pour notre mouvement syndical ; articuler ces luttes, les luttes sociales, féministes, antiracistes, ne peut que nous renforcer pour combattre ensemble les dominations et l'exploitation.

Mais revendiquer l'égalité n'est pas suffisant : il est d'abord nécessaire de travailler ce que nous avons dans nos têtes, nos propres représentations, nos propres stéréotypes et conditionnements. Nous avons des mythes à détruire non seulement à l'extérieur, mais également à l'intérieur de nous-mêmes. Nous n’avons pas grandi en dehors de la société et nous sommes donc tous empreints des stéréotypes et préjugés dominants. Souvent, nous n’avons pas conscience de ce que nous véhiculons à travers nos actes, nos interactions. Pour lutter réellement pour l'égalité, il faut donc pouvoir identifier et prendre distance par rapport à notre propre cadre de référence.

Mais ce n'est pas simple ! D’autant plus lorsqu’il s’agit des « rapports de genre »*, et de nos identités d’hommes ou de femmes. Nos comportements, nos rôles sociaux, nos attentes ont souvent été façonnés depuis notre naissance par le fait que nous soyons né.es avec tels ou tels organes génitaux. Ils sont donc intimement liés à la construction de notre identité depuis notre naissance, joués et rejoués en permanence au cours de notre vie au point qu’ils nous apparaissent évidents. Or, ces « rôles de genre »*, ces rapports exercent de fortes contraintes sur les individus, sur la manière dont on doit être, penser, agir, aimer, s'orienter dans la vie professionnelle ...

Pour nous aider à prendre distance par rapport à notre cadre de référence, nous ferons un tour par les théories féministes et de genre. Nous pensons qu'elles constituent un outil fondamental pour « dénaturaliser » le genre, pour nous aider à rendre visible, étonnant, et souvent inacceptable, ce qui jusque-là pouvait nous apparaître naturel et banal.

L'objectif n’est pas de retracer l’histoire des différents courants féministes, ni d’étudier en détails les théories du genre, mais bien de dégager des grilles d’analyse nous permettant de poser un regard différent sur la situation des un.e.s et des autres, dans notre société en général, et dans le monde du travail en particulier.

L'intégration des demandeurs d'asile sur le marché du travail : état de la situation 2017

Date de publication: 
28/02/2018
Auteur: 
Didier Pironet
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84978

Ces dernières années, l’importance de travailler à l’intégration des demandeurs d’asile et réfugiés sur le marché du travail a engendré la mise sur pied d’une multitude d’initiatives en tout genre. Le problème de ce type de démarches est que, dans la très grande majorité des cas, ces projets ne sont pas coordonnés entre eux et n’impliquent pas tous les acteurs compétents en la matière. Cela entraîne un manque d’efficacité et des pertes de temps incontestables.

Partant de ce constat, le projet Labour-Int s’est construit dans le respect d’une démarche multipartite qui est présente dans l’ensemble de ses étapes. Cela signifie que tout est organisé de façon à impliquer l’entièreté des acteurs de l’insertion socioprofessionnelle des migrants, à savoir les syndicats (CES, DGB, FGTB…), les employeurs (BusinessEurope, UEAPME…), les chambres de commerce (Eurochambres), les services publics de l’emploi (CEEP…) ou encore différents organismes spécialisés dans l’insertion socioprofessionnelle (ASBL Le Monde des Possibles, CEDEFOP…). Des organisations internationales telles que l’OSCE ou l’OIT prennent également part à ce projet. Enfin, le CEPAG, mouvement d’éducation permanente disposant d’un service spécialisé en droit des étrangers, a trouvé important de s’impliquer et de coordonner une des actions-pilotes mises en œuvre.

L’objectif principal du projet est de promouvoir des programmes visant à l’insertion des migrants, et plus particulièrement des demandeurs d’asile et des réfugiés, sur le marché du travail du pays qui les accueille. L’action est notamment axée sur la promotion d’un parcours d’insertion socioprofessionnelle complet comprenant la reconnaissance des compétences et qualifications, le suivi de formations adaptées, la mise en relation entre employeurs et migrants ainsi que différentes mesures à prendre sur le lieu de travail. L’objectif est également de pouvoir dégager des solutions pouvant être transférées  dans d’autres pays européens moyennant d’éventuelles adaptations au contexte local.

A cet égard, un groupe d’experts, coordonné par FIERI[1], s’est réuni à plusieurs reprises et un rapport a été rendu[2]. Ce groupe a examiné différentes pratiques ayant impliqué plusieurs acteurs (approche multipartite) et abordant plusieurs étapes du processus d’insertion. Sur la base de cet examen, différentes recommandations ont été formulées.

Le projet comprend également la mise en œuvre de trois actions pilotes. Elles sont organisées en Italie, en Allemagne et en Belgique. Cette étude a été rédigée par le CEPAG dans le cadre de l'action-pilote belge.

[1] Forum Internazionale ed europeo di ricerche sull’immigrazione (Forum International et européen de recherche sur l’immigration)
[2] Le rapport est disponible ici

Plaidoyer pour une approche qualitative de l'économie

Date de publication: 
18/12/2017
Auteur: 
Bruno Poncelet
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107901

5 décembre 2017 : à la radio, l’invitée du jour est la journaliste Alessandra d’Angello qui vient de terminer une enquête consacrée aux femmes, de plus en plus nombreuses, qui en viennent à se prostituer pour des raisons alimentaires (c’est-à-dire pour nourrir leurs enfants, avoir un logement, effectuer une réparation de chaudière, etc.).

Le journaliste-radio qui réalise l’interview plante d’entrée le décor : s’il y a des pauvres qui doivent se prostituer pour survivre, c’est forcément la faute de la crise. Sous-entendu : la croissance économique ayant laissé place à la stagnation économique, on ne produit plus assez de richesses et la pauvreté grimpe. Voilà pourquoi des gens en viendraient à se prostituer pour survivre…

Cet adage de la crise économique, racine de tous les maux, est devenu une sorte de mantra religieux dans notre société. À de multiples reprises, dans d’innombrables débats, pour des raisons variées et sur des thèmes diversifiés, on invoque invariablement une origine économique aux problèmes en spécifiant que le mal est de nature quantitative : on ne produit pas assez de richesses pour que tout le monde puisse s’en sortir et vivre bien.

Ce plaidoyer s’inscrit en faux contre ce constat.

Certes, la pauvreté grimpe. Mais l’origine du problème n’est pas de nature quantitative. L’origine du problème est de nature qualitative : pour diverses raisons, nous ne nous soucions plus assez de la qualité de notre économie.

Ce plaidoyer a une double ambition : montrer - ou plus exactement rappeler - à quel point l’approche qualitative de l’économie est importante, pour ensuite s’interroger sur la manière d’améliorer la qualité de notre économie.

La révolution numérique : créatrice ou destructrice d'inégalités ?

Date de publication: 
16/11/2017
Auteur: 
Bruno Poncelet
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161566

Nous sommes entrés dans le monde numérique à petits pas. Presque sans nous en rendre compte. Dans les années 80, l’ordinateur et le walkman furent les premiers à débarquer. Puis vinrent Internet et les téléphones portables. Bientôt suivis par le Smartphone et les réseaux sociaux qui ont colonisé notre quotidien à la vitesse de l’éclair, faisant entrer dans le langage courant des mots jadis inconnus comme Facebook, Google, Twitter ou You Tube.

Et ce n’est qu’un début. À en croire l’abondante littérature sur le sujet, le monde numérique s’apprête à déferler dans nos vies avec une foule de techniques et d’inventions - comme les drones, les robots, l’Intelligence artificielle, les objets connectés à Internet, les nanotechnologies ou encore l’intégration de prothèses numériques dans nos corps biologiques - qui vont pousser toujours plus loin les connexions entre objets numériques et êtres humains. Quelle société en émergera ? Comment nouerons-nous des relations les uns avec les autres ? Qui aura encore du travail ? Comment gagnerons-nous nos vies dans ce monde 2.0 aux nombreuses inconnues ?

Prédire l’avenir, c’est prendre le risque de se tromper. Pour l’heure, les pronostics divergent fortement quant aux bienfaits ou méfaits à attendre de la révolution numérique. Notamment sur le plan professionnel : là où certains prédisent la création de nombreux emplois, d’autres redoutent un désert social constitué de pertes massives d’emplois allant de pair avec une précarisation croissante des conditions de travail.

Dans cette forêt d’avis contradictoires, comment se frayer un chemin ? à quelles traces de pas se fier ? Quelle piste suivre parmi toutes les analyses et raisonnements qui se bousculent et (parfois) s’entrechoquent à ce sujet ?

Il n’y a évidemment pas de choix exclusif ou idéal. L’angle d’attaque que nous allons privilégier ici consistera à s’intéresser au contexte dans lequel apparaît cette révolution technique. Nous tâcherons d’identifier les acteurs qui influencent le développement des infrastructures et outils numériques. Nous verrons également que le monde politique, loin d’être inactif, joue un rôle de premier plan dans la digitalisation de notre société. Un rôle qui n’est pas neutre car des choix sont effectués, qui orientent aussi bien la manière d’installer les outils numériques que leur impact potentiel sur l’emploi…

Un impact qui reste toutefois incertain, car en partie lié aux décisions politiques et rapports de force qui se dessineront demain.

Métiers en pénurie et éléments discriminants

Date de publication: 
21/03/2017
Auteur: 
cellule Lutte Contre les Discriminations

Les métiers "en pénurie"… Souvent avancés par la droite et le patronat comme un problème majeur et le révélateur d'un manque de formation voire de motivation des demandeurs d'emploi.

Mais les sans emploi sont-ils réellement en cause ? N'existerait-il pas d'autres raisons pour expliquer que certains emplois ne trouvent pas "preneurs" ? Quels liens entre offres d'emploi, facteurs discriminants et métiers en pénurie ?

C'est à ces différentes questions que la Cellule Lutte Contre les Discriminations (CLCD) du CEPAG et de la FGTB wallonne a tenté de répondre en passant au crible 1.575 offres d'emploi portant sur 9 "métiers en pénurie" (tuyauteur industriel, mécanicien en génie civil, boucher, électromécanicien, technicien chauffagiste, dessinateur de la construction, conducteur de travaux, chef de chantier, délégué commercial en biens d'équipements professionnels) et sur le métier d'aide ménager qui figure dans les fonctions critiques.

Dans un deuxième temps, les 1.575 offres d'emploi de ces différents métiers ont été analysées en fonction de 8 critères considérés comme des freins à l'embauche (et donc discriminants) : l'expérience professionnelle, le permis de conduire ou le véhicule personnel, le type de contrat de travail ou le régime de travail, le diplôme, l'agrément, les plans d'embauche, l'obligation de postuler seulement via courrier électronique et le cumul des critères discriminants. Résultat ? Tous les métiers étudiés sont concernés par (au moins) trois critères !

Ce qui ressort de l'étude de la CLCD, c'est que la présence d’éléments discriminants peut clairement renforcer la pénurie. Parmi ceux-ci, la question de l’expérience professionnelle demandée est particulièrement interpellante. Sur base de ses conclusions, la CLCD émet un certain nombre de recommandations tant à l'adresse des employeurs que du FOREM.

Suicides et tentatives de suicide au travail : approche syndicale et traitement médiatique

Date de publication: 
19/09/2016
Auteur: 
Laurent Wilmet
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71550

Le phénomène des suicides au travail est avéré depuis la fin des années 90. Ces suicides particuliers, à la fois « publics et argumentés », résultent de la mise en œuvre de formes d’organisation du travail qui déconstruisent les solidarités tout en contraignant les salariés à s’investir corps et âme dans leur travail.

En France, malgré des résistances en leur sein, les organisations syndicales ont pour la plupart pris la mesure de ce phénomène. Certaines ont même élaboré des outils permettant à leurs délégués de réagir rapidement et concrètement lorsqu’un tel drame survient. En Belgique, de tels outils n’existent pas, du fait que les syndicats n’ont pas encore pris en charge cette problématique. Au contraire, il s’agit là d’une question qui n’est pas loin d’être taboue. Les syndicalistes de terrain sont donc contraints, en cas de suicide ou de tentative de suicide, à une forme d’improvisation qui pourtant aboutit parfois à des interventions réfléchies et structurées.

Quant aux médias, ils adoptent généralement, lorsqu’ils relaient un cas de suicide au travail, une posture énonciative mettant en scène les antagonismes entre employeurs et syndicats et ce, tant en France qu’en Belgique. C’est là du moins leur premier « réflexe ». Du fait des suicides en série chez France Télécom notamment, la presse hexagonale a finalement quitté cette posture et publié des articles qui inscrivaient chaque cas individuel dans un contexte plus large et qui s’appuyaient, entre autres, sur l’expertise de spécialistes de la question (psychanalyste, psychologue du travail,…). De tels articles, plus pointus, ne se retrouvent à notre connaissance pas dans les pages des quotidiens belges.

Géopolitique : derrière les apparences…

Date de publication: 
30/06/2016
Auteur: 
Laurent D'Altoe
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66990

Etymologiquement, le terme « géopolitique » vient du grec ancien gé, qui signifie la terre, et du mot polis qui concerne la cité et les citoyens.

La géopolitique est l'étude de l'influence des facteurs géographiques, économiques, sociaux et culturels sur la politique des Etats et sur les relations internationales.

Sujet compliqué certes, mais qui influence notre vie quotidienne et qui mérite d’être placé au centre des débats publics. C’est un enjeu de citoyenneté.

Nous n’aurons certainement pas la prétention de dresser ici un tableau, même incomplet des différentes crises qui agitent notre monde. De même, certaines lectures et orientations pourront apparaître comme partielles et partiales. Malgré tout, le fait de se poser des questions quant à la manière dont nous « lisons » ces évènements peut participer à la construction d’un espace de réflexion sur ces matières difficiles.

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le chômage (et le contrôle des chomeurs) sans jamais oser le demander...

Date de publication: 
22/12/2015
Auteur: 
Daniel Draguet
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Le chômage… Fléau de nos sociétés modernes, le fait de ne pas avoir d’emploi est aujourd’hui l’épée de Damoclès qui menace des millions d’hommes et de femmes.

Période de (longue) crise oblige, les gouvernements d’Europe proposent des « solutions » destinées à combattre ce chômage. Mais en fait de stratégie, ce sont surtout les chômeurs qui sont pourchassés (« activés », comme on dit pudiquement). Par un curieux détour dont seul le libéralisme a le secret, les politiques visant à la création d’emplois (et leurs faiblesses) se dissimulent derrière une « chasse » aux sans-emploi. Cette chasse demeure d’autant plus absurde dans un contexte économique qui voit le nombre de chômeurs bien supérieur au nombre de postes décents disponibles.

« Ce n’est le chômeur qu’il faut combattre, mais le manque d’emploi »; cette réflexion pleine de bon sens ne semble pas faire recette, notamment en Belgique. Et que dire de la NV-A, parti ultra-libéral et nationaliste virulent qui, régulièrement, remet sur la table la limitation dans le temps des allocations de chômage ? La députée N-VA Zuhal Demir déclarait récemment (dépêche Belga, 04/02/2015) : "Si nous voulons atteindre les objectifs européens, nous devons aller plus loin qu'un saut d'index et que la réduction des coûts de la main d'œuvre pour les entreprises à hauteur de 960 millions d'euros", estime-t-elle. "Nous devons stimuler les chômeurs avec des réformes supplémentaires afin qu'ils trouvent un emploi. Quand ils réaliseront qu'ils ne peuvent plus payer leurs factures, ils s'appliqueront davantage". Traduisez : ce sont des êtres passifs qui ne veulent pas vraiment travailler… Dans un contexte où l’offre d’emploi est beaucoup plus faible que la demande, il est donc raisonnable de se poser de grosses questions sur les récentes mesures à l’égard des chômeurs belges.

Le présent recueil remonte aux origines de la législation en la matière, tout en montrant les grands tournants (chocs pétroliers, Etat social actif,…) qui ont amené le glissement vers une stigmatisation du sans emploi. Une réflexion bien utile en ces temps de pensée molle et d’idées toutes faites.

Albert Camus, le goût de la révolte

Date de publication: 
29/10/2015
Auteur: 
Laurent Pirnay
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61433

Les célébrations du centième anniversaire de la naissance d’Albert Camus furent l’occasion pour l’auteur de cette étude de replonger dans les notes prises au fil de ses lectures.

Y a-t-il une vie après l'Euro ?

Date de publication: 
23/04/2015
Auteur: 
Angelo Basile
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73903

Depuis 2008, la zone euro est entrée dans une phase de crise aiguë et profonde. Après l’enthousiasme et les belles promesses des premiers jours, l’heure de la désillusion et du désenchantement semble avoir sonné. Explosion des niveaux de chômage, restructurations d’entreprises en masse, précarisation des classes sociales les plus fragiles, exclusion des jeunes, démantèlement par pans entiers des mécanismes de solidarité conquis de haute lutte au profit d’une redistribution des richesses à l’envers, austérité généralisée : tous les indicateurs sont désormais passés au rouge. Sur la route de l’union monétaire, la liste des revers et des déconvenues est longue mais le plus inquiétant est sans doute encore l’étrange sentiment d’impuissance qui s’en dégage. Plus l’Europe « avance », plus elle paraît irrémédiablement s’enliser dans le bourbier des impasses en tout genre, prisonnière des situations autant incontrôlables qu’incontrôlées, avec toujours ce lancinant constat qu’il n’y a dans tout cela rien de bien surprenant. Rien qui ne pouvait non plus être anticipé, dès lors que l’on accepte de se dégager un tant soit peu du catéchisme libéral. Le ver était en somme dans le fruit et il ne s’est produit rien d’autre, que ce qui devait tôt ou tard arriver.

Existe-t-il une porte de sortie qui permettrait à nos Etats de renouer avec la croissance ? L’Europe est-elle condamnée à vivre pendant de nombreuses années encore dans l’enfer de l’austérité comme l’a fait avant elle, et en suivant les mêmes chemins qu’elle, le Japon? Allons-nous assister sans pouvoir réagir à la lente et inéluctable mise à mort de nos législations sociales ? Quand s’arrêteront les politiques de dégradation de nos services publics ? Y a-t-il une vie après l’euro ? Toutes ces questions et bien d’autres ne pourront rester longtemps sans réponses même si on sent bien que celles-ci ne sont pas aisées à formuler, pour deux raisons au moins.

La première tient au rapport de force idéologique. Si on excepte le poids des partis libéraux qui n’ont jamais été pris en défaut de cohérence avec eux-mêmes, on doit malheureusement constater qu’à ce jour il n’existe pas de partis de gauche dans nos gouvernements qui croient encore sincèrement aux possibilités d’une autre politique. C’est vrai pour tous les partis socialistes ou sociaux-démocrates, mais cela l’est aussi pour les partis écologistes qui jusqu’ici faisaient figure d’alternative à la social-démocratie. Hier en Allemagne, en Espagne, en Belgique ou en Grèce, aujourd’hui en France ou en Italie, ce sont bien des gouvernements à majorité ou à participation socialiste (parfois en coalition avec les écologistes) qui ont prôné (ou qui prônent) l’adaptation de leur législation sociale et de leurs finances publiques à la logique néolibérale. Parce qu’ils en acceptent les prémices, les concepts et tout le cadre théorique qui en découle, ils sont devenus eux aussi les gardiens de la « compétitivité » des entreprises et les promoteurs de l’austérité budgétaire.

La seconde raison relève de la matérialité des stratégies susceptibles d’être mises en œuvre. Quel que soit le bien fondé des options futures envisagées, celles-ci n’auront aucune chance d’aboutir si elles s’avèrent incapables de réunir ou de fédérer autour de leur ligne directrice l’ensemble (ou à tout le moins une majorité) des Etats et des acteurs concernés. Ainsi, ces deux conditions délimitent une aire de liberté et de capacité d’intervention politique dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle est plutôt restreinte.

Malgré ces contraintes, on aurait tord de considérer que nos gouvernements ne disposent plus de marges de manœuvre. Ces dernières années, de nombreux auteurs, parmi lesquels C. Lapavitsas, M.J. Rodrigues, F. Heisbourg, P. Artus ou encore J.P. Fitoussi, se sont penchés sur la question du futur de la zone euro. La synthèse de leurs réflexions et de leurs hypothèses de travail permettent de dégager six grands scénarios que départagent leur nature, leur faisabilité et leur degré de viabilité.

Naturellement, ceux-ci ne sont pas écrits à l’avance et ils ne constituent encore à ce stade que des tendances ou des orientations. Selon les événements économiques, politiques ou sociaux, en fonction des ruptures, des accidents ou des opportunités qui se présenteront, ils pourront se compléter, s’entrecouper ou même se succéder. Quels que soient cependant l’enchaînement ou les circonstances susceptibles de surgir demain, on peut s’attendre à ce que dans ses grandes lignes l’avenir de l’union monétaire européenne se décline autour de l’un voire de la combinaison de plusieurs de ces scénarios.