Le combat syndical est aussi féministe !
Déconstruire les stéréotypes de genre pour lutter contre les discriminations sexistes, homophobes et transphobes dans le monde du travail.
Dans de nombreuses parties du monde, on assiste à diverses manifestations d’un retour en force du nationalisme, du racisme, et des violences de genre : construction de « murs anti-migrants », montée au pouvoir de l’extrême-droite en Italie et au Brésil, remise en question du droit à l'avortement, multiplication des féminicides, assassinats violents d’activistes LGBTQI+ etc.
Des mouvements réactionnaires, et de plus en plus ouvertement fascistes, gagnent du terrain à mesure que les politiques d'austérité et de régression sociale s'abattent sur les populations.
La peur de vivre (encore) moins bien demain, la perte de confiance des classes populaires à l’égard des partis et mouvements de gauche « traditionnels » et un large sentiment d'impuissance face à l’avenir favorisent la diffusion des discours basés sur une « naturalisation » des rapports humains et des positions sociales.
Chacun, chacune, serait déterminé.e, dans son essence même, dans ses gênes, à occuper telle ou telle position sociale, à agir de telle ou telle manière, à être dominé.e ou dominant.e.
Et il serait vain, voire dangereux, d'aller contre cette « Nature ».
Ainsi, les femmes devraient retourner au foyer pour y accomplir leur devoirnaturel, la famille ne pourrait se concevoir qu’avec un père et une mère, l’homosexualité, les transidentités seraient des « anomalies », une déviance menaçant l’ordre social.
Avec l’affirmation forte d’un discours naturaliste, chacun.e se voit ainsi déterminé.e. et jugé.e. dans son identité profonde, dans son intimité, dans son rôle et ses relations sociales par ses organes génitaux. Et ce sont des logiques similaires qui soutiennent le racisme et la xénophobie en construisant l'idée que les groupes humains ne sont pas égaux entre eux, par nature (ou par culture, celle-ci étant présentée comme immuable, éternelle, sans histoire, donc quasi naturalisée). Les appels au retour à la « Pureté du Peuple », à son époque glorieuse, à ses traditions « ancestrales », alimentent les fantasmes de populations qui ont fait de « l'Autre » le bouc émissaire de leur frustration et de leur sentiment d'impuissance.
Si ces mouvements veulent nous ramener en arrière, les luttes sociales, féministes, antiracistes, reprennent elles aussi des forces partout dans le monde : le mouvement MeToo qui a permis de visibiliser et de briser le silence sur les violences sexuelles et leur impunité, les grèves massives du 8 mars (Journée Internationale des Femmes) suivies en Argentine ou en Espagne, l’organisation des populations « racisées* » pour dénoncer les violences policières et le racisme d’Etat aux Etats-Unis (mouvement Black Lives Matter notamment), les manifestations massives des femmes américaines contre Trump, les organisations de solidarité et de défense des migrant.e.s qui se développent en Europe etc.
Ce nouvel essor ne vient pas seulement de la conscience du danger que représente la diffusion de ces idéologies réactionnaires mais aussi du chemin qu'il nous reste à parcourir pour vivre dans une société réellement égalitaire. Une société dans laquelle l'individu n'est pas réduit à son « employabilité », à sa couleur de peau, à ses organes génitaux, à son expression de genre, ou à sa sexualité. Parce que nous sommes tellement plus complexes, et plus riches que ces étiquettes qui nous collent à la peau et qui sont le prétexte de multiples violences sociales ! Ce combat est un enjeu, et un défi, pour notre mouvement syndical ; articuler ces luttes, les luttes sociales, féministes, antiracistes, ne peut que nous renforcer pour combattre ensemble les dominations et l'exploitation.
Mais revendiquer l'égalité n'est pas suffisant : il est d'abord nécessaire de travailler ce que nous avons dans nos têtes, nos propres représentations, nos propres stéréotypes et conditionnements. Nous avons des mythes à détruire non seulement à l'extérieur, mais également à l'intérieur de nous-mêmes. Nous n’avons pas grandi en dehors de la société et nous sommes donc tous empreints des stéréotypes et préjugés dominants. Souvent, nous n’avons pas conscience de ce que nous véhiculons à travers nos actes, nos interactions. Pour lutter réellement pour l'égalité, il faut donc pouvoir identifier et prendre distance par rapport à notre propre cadre de référence.
Mais ce n'est pas simple ! D’autant plus lorsqu’il s’agit des « rapports de genre »*, et de nos identités d’hommes ou de femmes. Nos comportements, nos rôles sociaux, nos attentes ont souvent été façonnés depuis notre naissance par le fait que nous soyons né.es avec tels ou tels organes génitaux. Ils sont donc intimement liés à la construction de notre identité depuis notre naissance, joués et rejoués en permanence au cours de notre vie au point qu’ils nous apparaissent évidents. Or, ces « rôles de genre »*, ces rapports exercent de fortes contraintes sur les individus, sur la manière dont on doit être, penser, agir, aimer, s'orienter dans la vie professionnelle ...
Pour nous aider à prendre distance par rapport à notre cadre de référence, nous ferons un tour par les théories féministes et de genre. Nous pensons qu'elles constituent un outil fondamental pour « dénaturaliser » le genre, pour nous aider à rendre visible, étonnant, et souvent inacceptable, ce qui jusque-là pouvait nous apparaître naturel et banal.
L'objectif n’est pas de retracer l’histoire des différents courants féministes, ni d’étudier en détails les théories du genre, mais bien de dégager des grilles d’analyse nous permettant de poser un regard différent sur la situation des un.e.s et des autres, dans notre société en général, et dans le monde du travail en particulier.