Wokisme : panique morale

Date de publication: 
17/07/2024
Auteur: 
Benjamin Vandevandel
Nombre de signes: 
17853
Il est impossible d’être passé, depuis les 5 dernières années, à côté du terme « woke » et de ses dérivés. Utilisé jusqu’à la nausée dans l’espace médiatique et politique depuis 2020, cette notion semble regrouper pour ses détracteurs l’ensemble des dangers qu’encourent la civilisation occi-dentale, l’esprit des Lumières et l’universalisme.
La définition du mot « woke », qui a fait son entrée dans le dictionnaire Robert en 2023, laisse pourtant penser tout le contraire d’une attaque mettant en péril la civilisation. Le Petit Robert dé-finit un woke comme un individu « qui est conscient et offensé des injustices et des discriminations subies par les minorités et se mobilise pour les combattre ».
Cette définition nous renvoie à notre propre histoire sociale, aux luttes ouvrières, aux mouvements d’émancipation des femmes ou encore aux actuelles luttes des communautés LGBTQIA+, ensemble de luttes composant plus d’un siècle de combats qui ont abouti à l’obtention de l’enseignement gratuit et obligatoire, au droit de vote universel, à la sécurité sociale, au droit à se syndiquer, à l’adoption d’enfants par les couples de même sexe … Bref à l’ensemble de conquis sociaux et socié-taux que nous connaissons aujourd’hui et qui sont régulièrement mis à mal.
Le Petit Robert complète sa définition en précisant que le militant woke combattrait parfois « de manière intransigeante » et que le terme deviendrait alors « péjoratif », utilisé « par dénigre-ment ». Comment peut-on être qualifié d’« intransigeant » lorsqu’il s’agit de lutter contre les dis-criminations ? C’est ce que nous allons tenter de comprendre.

Retour en force des coupes budgétaires en Europe. Nos dirigeants n'ont-ils donc tiré aucune leçon?

Date de publication: 
17/06/2024
Auteur: 
Olivier Bonfond & Laurent Pirnay
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10672

La Commission européenne et les États membres viennent de s’accorder sur de nouvelles règles budgétaires, tout aussi strictes que les précédentes. On aurait pu penser que les dirigeants avaient retenu la leçon des années 2010. Il n’en est rien.

Après plusieurs années de « quoi qu’il en coûte » au cours desquelles les États auraient dépensé sans compter pour faire face aux différentes crises (crise sanitaire, guerre en Ukraine, crise énergétique, inflation), il serait maintenant temps pour les États de revenir au sérieux budgétaire et de réduire les déficits et la dette, sous peine d’être sanctionnés par la Commission européenne.

Cette orientation a pourtant déjà été testée de nombreuses fois par le passé, et les résultats sont connus : l’économie va se contracter, et cela va aggraver les déficits et la dette, sans oublier les conséquences sociales désastreuses, qui profiteront probablement une fois de plus à l’extrême droite.

Cette analyse a également été publiée dans le magazine Tribune de la CGSP – Mai 2024 (n°27).

Bons d’Etat au niveau wallon : Bonne idée ou projet injuste ? Analyse critique des arguments avancés pour geler la proposition

Date de publication: 
22/03/2024
Auteur: 
Olivier Bonfond
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39748

En septembre 2023, la FGTB wallonne a mis sur la table la proposition d’émettre des bons d’Etat au niveau wallon, notamment pour diminuer la dépendance de la Région aux marchés financiers et dégager des ressources pour financer la poursuite du financement du Plan de relance wallon.

La position du Ministre du Budget et des Finances de la Région wallonne, Adrien Dolimont, face à cette proposition a évolué dans les semaines et mois qui ont suivi. Elle est passée d’un « oui mais non » (bonne idée mais pas envisageable à court terme) à un « projet injuste à oublier ».

La plupart des arguments avancés par le Ministre ne nous semblent pas convaincants. Ils donnent l’impression qu’il s’agit surtout de tout faire pour mettre le plus vite possible cette proposition sous le tapis. Nous allons reprendre et analyser ici tous ces arguments.

Bien sûr, il ne s’agit pas de faire n’importe quoi. Cette mesure, si elle se concrétisait, se doit d’être intéressante, tant pour la Région que pour les épargnants et la population.

Bien sûr, il ne s’agit pas de nier que plusieurs difficultés peuvent se poser, et il faut en tenir compte. La question des finances publiques wallonnes est une question trop importante pour venir avec des YAKA ou des « il suffit que ».

Pour autant, et malgré le fait que certains points devraient être éclaircis et objectivés, y compris de la part du Ministre, cette proposition reste à nos yeux une idée intéressante.  Surtout, ne pas anticiper et ne pas s’y préparer correctement, pour pouvoir la concrétiser à court ou moyen terme, constitue une erreur à nos yeux. Quid si dans quelques mois ou plus, elle devenait une alternative très sérieuse – voire une nécessité - au financement de la Région par les marchés financiers ? Le Ministre répondrait-il alors à nouveau par un « oui mais non » ou par un « oui mais désolé nous ne sommes pas prêts » ?

Cette mesure ne constitue évidemment pas une solution miracle qui règlerait tous les problèmes. L’émission de bons d’Etat wallons ne constitue qu’un élément parmi d’autres qui doivent s’articuler dans une proposition alternative d’ensemble.

Les mouvements sociaux (dont la FGTB wallonne) portent depuis plusieurs années plusieurs propositions pour alléger le poids de la dette, se libérer du diktat des marchés financiers et rompre radicalement avec les politiques d’austérité[1].

Nous pensons notamment, comme le gouvernement libéral espagnol l’a fait en 2021, à une diminution drastique des charges d’intérêts payées aux banques, pendant une période de 3 ans. 

L’idée de lancer un Livret A (mesure fédérale) du type de celui qui existe en France mériterait également une analyse approfondie. On entend souvent les responsables politiques affirmer qu’il est essentiel de regarder ce qui fonctionne bien ailleurs pour s’en inspirer. Or, nous avons, juste à côté de chez nous, un système de compte bancaire réglementé, en particulier le Livret A, qui, bien que comportant certaines faiblesses, fonctionne très bien depuis très longtemps[2] et joue un rôle doublement positif : garantir une rémunération correcte aux épargnants et financer des projets de long terme, en particulier la construction de logement sociaux. Ajoutons qu’à côté du Livret A, qui rapporte du 3 %, qui dispose d’une manne de 380 milliards, servant à financer les logements sociaux, il existe également en France le « Livret d’épargne populaire », uniquement destiné aux personnes aux revenus modestes. Ce livret propose un taux de 5 %, et dispose d’une manne de 20 milliards d’euros… Pourquoi ce qui est possible en France ne le serait-il pas en Belgique ?

Dans tous les cas, il est nécessaire d’adopter une position forte et de rupture sur la dette publique, car qu’on le veuille ou non, l’application sans fin de politiques d’austérité au nom d’une hypothétique diminution de la dette est une impasse totale, à tous les niveaux.

A l’heure où l’Etat et les Régions risquent de se voir de plus en plus confrontées au chantage des agences de notation et aux pressions de l’Union Européenne, il nous semble donc utile, d’analyser de manière critique les éléments à prendre en compte pour se positionner correctement sur la question des bons d’Etat wallons.

[1] Lire notamment le mémorandum de mai 2019 de la Plateforme d’audit citoyen : http://www.cadtm.org/Memorandum-de-la-plateforme-d-Audit-Citoyen-de-la-Dette-ACiDe-en-vue-des
[2] Le Livret A est le plus ancien produit d’épargne actuellement distribué en France et il est aussi le plus utilisé.